Un peu d'éthymologie...

Rappelons quelques éléments déjà cités page 13:

AUSSONNELLE

La forme latine d'Aussonnelle est « Alsonella », dont le radical « alisos » est Ibère; ou pourrait être italoceltique, Alzon étant le nom de cours d'eau d'origine incontestablement celtique

BOUCONNE (3)

Fin du XIX° siècle, la lisière de la Forêt de Bouconne, sur le territoire de Pibrac, étant bordée par une large bande d'éluvium, il se peut que le fundus Piperacus ( Pibrac ) , comme la commune actuelle, se soit étendue jusqu'à la forêt

Au IV° siècle, une route, celle de Bordeaux à Jérusalem, vint traverser d'Est en Ouest le massif de Bouconne , dans sa partie Sud, séparant ce qui devait être l'actuelle forêt de Bouconne du reste du massif...De la Save à la Garonne, il y avait le long de cette route deux « mutationes »: la mutatio Boccones (d'après le manuscrit de Vérone) ou Bucconis ( manuscrit de la Bibliothèque Nationale) et la mutatio ad Jovem. Les mutationes étaient des sortes de relais...

La "Notice de l'ancienne Gaule" de 1760 (4), nous apporte des précisions sur leur emplacement:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le relais "Ad Jovem" serait donc à Léguevin

La traduction de Jovem est "Jupiter", donc "vers Jupiter", "dans la direction de Jupiter"

Pour "Bucconis":

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'auteur ne sait donc pas situer "Bucconis"

La "Carte des Gaules" de 1838, de M. LAPIE nous indique cependant leurs emplacements, au croisement de la route d'Auch et de la rivière "La save" (2) :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au moyen-âge, la forêt de Bouconne était appelée : Bocona; Boccona; Buchone, Baconne ou Bocone.En 1609, une carte mentione " Forêt royale De La Bouguoune" ( voir plans dans la rubrique "autres villages" )

Une preuve que ce nom est d'origine celte: sur les bords du Rhin existait une forêt de Buconia

En ce qui concerne le sol actuel de Bouconne, ce même sol était signalé comme recouvert de sa forêt, dès les XII et XIII° siècles (1):

...cf le Cartulaire de Conques publié par M.DESJARDINS p64 :durant le XI°s , les religieux de cette abbaye ((Conques)) reçurent du père de Dodon de Samatan la moitié de l'alleu de Peyrolières(( de Sainte-Foi au canton de Saint-Lys)). La donation comprenait le village qui allait être fondé sur ce territoire; « mais à ce moment, est-il ajouté dans l'acte, il n'y avait aucune habitation, si ce n'est tout au plus celles des voleurs qui se cachent dans les forêts »

....Même cartulaire p 80, qui date de 1087,environ, Dodon fit à l'abbaye de Conques une autre donation comprenant l'alleu de Villeneuve, et cette fois non seulement l'acte nous reporte dans la même région boisée, mais il a le soin de marquer expressément que nous sommes en pleine forêt de Bouconne:

....Et est ipse alodus in comitatu Tolosano, in silva de Boccona, et habet fines et terminos, ex uno latere, sicut gutta de Belloloco descendit in Cizeira et Cizeira descendit in Saldrina, et sicut ipsa Saldrina se conjungit in alio rivulo qui vocatur Sicig, et ex alio latere ipse Sicig ascendit usque ad alodium de Sabonerias.

...ce lieu correspond à La Salvetat, commune de Sainte-Foi de Peyrolières

...au XI°siècle, les bois de Bouconne occupaient non seulement la forêt actuelle, mais encore qu'ils reparaissaient avec le même nom à l'extrémité du canton de Saint-Lys, ce qui revient à dire qu'ils s'étendaient sans discontinuer sur une longueur plus que double de celle qu'ils ont actuellement

...récit de la translation du corps de Saint Majan dans l'abbaye de Villemagne, aujourd'hui canton de Saint-Gervais (Hérault) , fin du IX° siècle (Hist.de Lang. éd.Priv.II, 53, et V, 6 ) : ...après être partis de Lombez, les religieux qui avaient dérobé ces reliques, se trouvaient poursuivis et sur le point d'être atteints, les cachèrent dans la forêt de Bouconne, sylva que Buchone dicitur, d'où ils les retirèrent lorsque,le danger passé, ils purent reprendre leur marche...

... = bois situés dans les environs de Sabonères et de Sainte-Foi...exactement sur le trajet de Lombez à Villemagne..

...Les bois de Bouconne se prolongeaient vers le sud et atteignaient des points fort éloignés où nous venons de constater son existence

...En 945, Garsinde donna l'abbaye de Lézat, l'alleu et l'église de Fustignac ( ...canton du Fousseret)...ces biens , aboutissant au ruisseau du Gélas...dépendaient de Bouconne, en Toulousain: et est ipse alodus in pago Tholosano, in terminio de Bocona, in villa que dicitur Fustiniago

...D'après un acte inédit, tiré du cartulaire de Lézat, nous voyons vers 987 les religieux de Peyrissas acquérir un domaine appelé Dragual, placé également in terminio de Bocona; (( ...commune de Montégut probablement))

Guy du Faur de Pibrac, dans son livre « les plaisirs de la vie rustique », commence d'ailleurs par :

"Pybrac, ie te faluë, et toy Bocconne saincte,

Et vous coufteaux vineux..."

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


PIBRAC

D'après Simone HENRY (3), les toponymes terminés par le suffixe -ac sont les témoins de la romanisation des régions: c'est la forme altérée du suffixe latin « acum » ou « acus », qui n'est que la forme latinisée du suffixe « acos ».Le suffixe s'ajoutait à un radical qui était un nom de personne et le mot ainsi formé désignait le domaine rural (appelé encore le « fundus »)

Quand le radical est un nom de forme latine, un gentilice en « ius », ce qui est en fénéral le cas, marque une romanisation de la région où il se rencontre, plus avancée que lorsqu'il est un nom celte. Les nom en -ac sont la forme la plus ancienne des toponymes romains. Les noms témoignant de l'existence d'anciens « fundi » se trouvent répartis dans les régions des terrasses toulousaines en plusieurs groupes:

A l'ouest de Toulouse:

Blagnac, Casserac ( Cornebarrieu ); Pibrac ( Piperacus), dominant sur la 3° terrasse la confluence du courbet et de l'aussonnelle

Un certain nombre de domaines ruraux portent actuellement des noms également en -ac; mais les anciens cadastres apprennent que ces noms de propriétés sont les mêmes que ceux des propriétaires.

BRUNHES, tome1 de l'Histoire de la Nation française, 1920, note page 289:

« Si bon nombre de lieux sont issus des noms d'hommes, inversement beaucoup de noms d'hommes sont issus de noms de lieux »

 

Puisque Pibrac a certainement subi l'influence romaine, il est possible de rechercher l'origine du mot "piperacus" et donc peut-être aussi l'origine de notre fundus ( notre hameau) à partir de la signification de ce mot dans divers dictionnaires latins anciens, à partir de ressemblances de prononciations:

piper ; peper ; perac ... ( cliquer sur l'image pour l'agrandir )

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"peperi" : infanté, produit, engendré, procuré

"perac": pourquoy...? ; ou pour quelle...?

"pipare": glousser; caqueter

"piper": poivre; grupsal (( poivre?)).Les différentes significations tournent autour du mot "poivre"

"piperacius": "parsemé de petites tâches comme le poivre" ;

"piperatus" : ( éloquence) mordante

"piperitis": (herbe) du coq

"pipiare": vagir

"pipilarer":"gazouiller"

"pipio": pigeonneau

"pipire":" piauler" , cri d'un jeune poussin

Pour l'anecdote rapportons ici une définition du mot pibroch du "Littré":

"pibroch":cornemuse écossaise; air écossais que jouent les cornemuses

 

Par ailleurs, le mot PIPERAC pourrait aussi venir d'un pénom ou nom d'un personnage, qui aurait servi à donner le nom au fundus.

Une piste très intéressante est donnée dans le " Dictionnaire des noms, surnoms, et pseudonymes latins de l'Histoire littéraire du Moyen âge (1100 à 1530 ) , par Alfred FRANKLIN, 1875:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hagiographe:personne qui écrit une biographie des saints

PIPERACENSIS ( Stéphanus), Etienne de Pébrac

L'abbaye de Pébrac (Haute-Loire, cant. de Brioude), a été fondée à Noël 1062 par Pierre de Chavanon. Celui-ci, né vers 1007, appartenait à une famille du pays de Langeac. Alors qu'il est archiprêtre de Langeac, on lui confie la responsabilité d'un monastère de moniales voisin, Saint-Pierre-des-Chases. Plusieurs miracles se produisent alors qu'il s'occupe de celles-ci. En 1062, souhaitant se retirer au désert avec deux compagnons, l'évêque de Clermont lui confie l'église de Pébrac, dont saint Pierre lui avait révélé l'état d'abandon. Il se fait alors chanoine, sous la règle de saint Augustin, et s'installe dans ce lieu, où il entreprend de reconstruire l'église. L'évêque de Clermont et quelques évêques voisins confient alors à la petite communauté des paroisses récupérées sur les laïcs. Pierre meurt le 8 septembre 1080/1081 et des miracles se produisent sur sa tombe. Vers 1130, l'abbé Pons demande au chanoine Etienne d'écrire sa vie. En 1097, le pape Urbain II érige la prévôté en abbaye, qu'il prend sous sa protection...

...Quelques manuscrits provenant de l'abbaye ont pu être retrouvés ; ils renferment :

- des textes hagiographiques :
la Vie de saint Pierre Chavanon par Etienne, chanoine de Pébrac (Ms. Clermont, bibl. mun., ms. 841, XIVe-XVe siècles, Bruxelles, bibl des Bollandistes, ms. 140, copie ....

( par Jean-Loup LEMAITRE)

Pour revenir à "Pibrac", bien que la plupart des villages avoisinant Pibrac ont une orthographe très changeante sur les différentes documents,ou cartes géographiques selon les époques, cuieusement l'orthographe de Pibrac n'a jamais changé ( depuis les plus vieux plans où Pibrac est mentionné, plans de 1606 ou 1633....) ;et même sur des documents encore plus anciens ( En 1197 Pierre d'Orbasson (Petro d'Orbassano) bailla ce nouveau fief à Bernard de Saint-Bars (Santo Barcio) et à ses cinq fils. Le château et la ville de Pibrac ( castrum et villam de Pibraco )...)( ici "Pibraco" n'est qu'une déclinaison de Pibrac)(5).

Seul l'érudit et latiniste Guy du Faur de Pibrac le mentionne sous la forme "Pybrac" dans certains de ses ouvrages.

Des cartulaires de Gimont (1163 et 1176) écrivent parfois Pibrag, parfois Pibrac, peut-être par erreur du copiste: "Lemogana et Guillaume de Pibrac confirment la donation précédente (à l'abbaye de Gimont) et reçoivent 10 sols" ( "De Lemogana, [filia Brunissendis predicte], et marito ejus, Arnaldo Willelmo de Pibrag. Sciend. est quod predicti confirmaverunt supradictam donationem Umberto abbati qui dedit eis ex caritate X sol....")(1).Dans ces cartulaires, d'autres noms sont cités :Gassia Arnald de Pibrac, Pierre Raymond de Pibrac et Sybille sa soeur(mars 1163) ( "De Petro Raymundo [ de Pibrag. et Sibila ejus sorore]" ) ;Petrus de Pibrac (1188); Raimundus Odolo et Raimundus Arnaldus de Pibrac (1164 )(5)

 

(1) Livre : de l'ancienne extension de la forêt de Bouconne par Edmond CABIé (1886) (14p)

 

(2) voir chapitre 11, les plans : M LAPIE Paris 1838:"carte des Gaules", plan zoomé sur Toulouse, où on voit l'emplacement de ces mutationes

 

(3) Livre : La Forêt de Bouconne par Simone HENRY (1943) (255p) (4) Google Books

 

(5) Acte n°270211 dans Chartae Galliae, éd. Benoît-Michel Tock. Edition électronique: Institut de Recherche et d'Histoire des Textes, 2014. (Telma).